article publié le 3 novembre 2025
En mai dernier, le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) a annoncé son auto-dissolution après plus de quatre décennies de combat sans relâche. En juillet, des combattants du mouvement ont brulé plusieurs dizaines de leurs armes afin de marquer officiellement la fin de la lutte armée. Enfin, en octobre, près d’un an après le début des négociations les autorités turques, les derniers combattants qui se situaient en Turquie se sont déplacés vers
le Nord de l’Irak.
Le PKK a été fondé en 1978. Initialement, l’objectif de ce parti était de mettre en place un Etat kurde : le Kurdistan. Au fur et à mesure des années, l’objectif s’est transformé en une lutte
pour les droits des Kurdes. Le but du PKK durant ces dernières années était l’autonomisation des kurdes au sein même du territoire turc. Dès 2004, le PKK a été classé comme organisation terroriste par l’Union européenne. Les États-Unis et la Turquie considèrent également le PKK comme une organisation terroriste.
Pour rappel, la population kurde en Turquie s’élèverait à près de 20 millions de personnes selon la Commission européenne. Au total, il y aurait environ 40 millions de kurdes répartis au
Moyen-Orient.
La lutte armée du PKK face au gouvernement turc commence presque dès la fondaFon du mouvement. Au fil des années, le PKK est contraint de s’exiler en Syrie, puis en Irak. En 1999, le fondateur du mouvement, Abdullah Öcalan, est capturé par les services turcs et emprisonné. Malgré son incarcération, Öcalan reste leader du mouvement et sa voix conFnue
de porter auprès des membres du parti.
En 2002, lorsque Recep Tayyip Erdogan arrive au pouvoir, celui-ci adopte une politique de pacification avec les forces du PKK. En effet, du fait de sa volonté d’intégrer l’Union européenne, Erdogan ouvre l’accès à de nombreux droits pour le peuple kurde. Cette réduction des tensions entre gouvernement turc et PKK ne durera que trop peu de temps, notamment du fait de la dérive autoritaire d’Erdogan au début des années 2010.
Dans le cadre de la guerre civile syrienne, Bachar al-Assad autorise l’installation du PKK en Syrie. Le PKK devient ainsi un soutien du régime du dictateur syrien. En parallèle, le gouvernement turc combat la politique d’al-Assad. Le PKK se retrouve ainsi au milieu d’un jeu politique entre Syrie et Turquie. Ces tensions entre la Syrie de Bachar al-Assad et la Turquie d’Erdogan permettent au PKK de maintenir les attaques en Turquie tout en étant protégé par le gouvernement syrien.
Les négociations auraient débuté en fin d’année 2024. Ces négociations trouvent leur origine dans le conflit de la bande de Gaza. En effet, le PKK s’est rapproché d’Israël depuis les attaques du 7 octobre. Israël aurait notamment fait savoir qu’un État kurde au Moyen-Orient était possible. Du côté turc, ce soutien n’a pas été pris à la légère. C’est la chute du régime de Bachar al-Assad, allié du PKK, qui aurait poussé Abdullah Öcalan à la table des négociations. En effet, le nouveau pouvoir syrien, très proche de la Turquie puisque financé par le gouvernement d’Ankara, aurait fait craindre au PKK la fin de sa position dominante en Syrie.
La question des avantages pour le PKK de cesser de combattre a longtemps été posée. Cependant, selon les observateurs de la politique turque, le PKK était de plus en plus impopulaire dans les sondages. Une importante partie des kurdes résidants en Turquie étaient devenus hostiles à ce mouvement. En effet, le PKK avait initialement pour objectif de donner des droits aux kurdes. C’est aujourd’hui chose faite, les kurdes sont désormais reconnus enTurquie. L’un des plus importants partis en Turquie, le Dem Parti, est un parti pro-kurde. La culture kurde est également représentée en Turquie. Enfin, plusieurs kurdes sont ministres dans le gouvernement d’Erdogan, comme par exemple Mehmet Simsek (ministre du Trésor et des finances).
Il reste évidemment des améliorations pour le sort des kurdes en Turquie, en témoigne l’éviction de certains maires kurdes du fait de leur potentielle proximité avec le PKK. Cependant, le passage des armes à la représentation politique peut constituer qu’une bonne avancée dans la quête des kurdes d’obtenir davantage de et d'autonomie en Turquie et au Moyen-Orient.
La réalité pour le PKK est celle de sa défaite dans les combats. En effet, le gouvernement turc a, au fur et à mesure des affrontements, gagné du terrain sur les combattants du PKK, les forçant même à s’exiler au-delà des frontières turques. Il semble clair qu’au fil des années, le PKK perdait en influence auprès des kurdes et devenait un poids pour une partie de la communauté.
L’avenir des kurdes en Turquie semble donc être un avenir de représentation démocratique. Cependant, certains craignent que cette dissolution du PKK ne soit qu’une dissolution
d’apparence. Le risque qu’un groupe issu du PKK émerge est bien réel. Selon les spécialistes, cela reste tout de même peu probable après les mois qui viennent de s’écouler. En effet, depuis l’annonce de la dissolution du mouvement, les actions violentes ont drastiquement diminué, du côté turc comme du côté du PKK. Aussi, la lassitude des combattants rend peu probable l’émergence d’un mouvement violent d’ampleur promouvant les intérêts des kurdes.
L’avenir de cette paix semble également condiFonné à la libéra*on d’Abdullah Öcalan, c’est en tout cas ce qu’a affirmé Devrim Palu, l’un des dirigeants du PKK. Il a également affirmé que le parti cherchait à ne pas provoquer la Turquie dans le cadre du processus de dissolution du mouvement.
Aussi, le fait que le PKK soit dissous arrange les autres mouvements kurdes turcs. En effet, ceux-ci qui étaient accusés de collaborer avec le PKK sont donc libérés du poids de ces
accusations. Ces partis souhaitant se faire entendre dans les urnes sont donc parmi les plus fervents supporters de ce processus de dissolution. La fin du PKK devrait également permettre la diminution des tensions dans l’Est de la Turquie. En effet, cette zone à majorité kurde est aujourd’hui très surveillée par les contingents militaires envoyés par le gouvernement turc. Si ces tensions diminuent comme prévu, cela permettra au gouvernement turc de s’enorgueillir d’une belle victoire, tant politique que militaire.
La dissolution du PKK va peut-être permettre une diminution dans la dérive autoritaire de la Turquie. Mais cet espoir reste malheureusement peu probable. Il paraît en effet peu probable
qu’Erdogan engage une véritable transition démocratique en Turquie. Il semble donc complexe d’imaginer le futur des kurdes en Turquie. La voie démocratique semblant pour l'heure compromise, les kurdes vont devoir patienter avant d’obtenir une meilleure représentation de leurs intérêts auprès d’Ankara.